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Y a-t-il quelqu'un pour sauver le musée Duesberg?

En haut du Square Roosevelt à Mons, la Collégiale Sainte-Waudru rayonne de toute sa hauteur. Pourtant, en contre-bas se trouve un bâtiment qui malgré son apparence banale, mérite tout autant d’illuminer le patrimoine montois par les trésors qu’il abrite.

Le Musée François Duesberg, c’est d’abord un nom. Celui de ses fondateurs, les barons Duesberg, dont seul le mari continue de s’occuper à plein temps : « Je suis à l’accueil pour vendre les entrées et guider les visiteurs. […] Ce matin, j’ai même fini de nettoyer les vitrines d’exposition ! » nous raconte celui qui a passé un demi siècle avec son épouse à rassembler une collection monumentale d’objets d’arts décoratifs.

 

Car c’est bel et bien un passionné qui nous reçoit dans son royaume doré. Horloges, pendules, bronziers, porcelaine, la liste est longue et sans faute de goût. Dès que nous passons la porte d’entrée, la sensation que le conservateur fait lui-même partie du musée nous envoûte. Ce ne sont pas les photos que l’on retrouve à l’accueil qui nous diront le contraire. Nous pouvons y voir notre hôte recevoir plusieurs célébrités, dont le roi Albert II.

Une impression d’enchantement que n’aurait pas reniée l’impératrice Joséphine

C’est sans étonnement que François Duesberg nous fait voyager dans un autre temps. Comme le veut l’expression, «celui qui trouve sa passion, trouve son chemin ». C’est donc à travers un véritable dédale de vitrines remplies de bijoux artistiques que le maître des lieux nous ballade dans son musée.

 

Les pièces que nous pouvons observer trouvent leur origine à l’époque de Louis XVI, dans le dernier quart du XVIIIe siècle. Mais François Duesberg n’hésite pas également à dénicher des pièces débordant sur l’ère d’un certain Napoléon Bonaparte, pour lequel il témoigne une grande admiration.

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Si les allégories des personnalités que l’on retrouve dans ce temple de l’art néo-classique parlent forcément au public, les hommes derrière leur fabrication ne sont pas en reste : « Parmi les pendules et horloges que vous pouvez voir, la plupart proviennent des plus célèbres horlogers du Paris d’époque Louis XVI. Par ailleurs, certaines d’entre elles avaient été commandées par la reine Marie-Antoinette et sont devenues des pièces rarissimes ! » souligne celui qui a passé sa vie à rassembler ces œuvres. Des œuvres que l’impératrice Joséphine, autre promotrice de la mode du temps, n’aurait certainement pas reniées.

 

Parmi ces créations, des touches d’exotisme nous apparaissent rapidement comme évidentes. Nous pouvons voir régulièrement des personnages noirs mis en scène avec leurs homologues dorés. François Duesberg intervient aussitôt : « Évidemment ! Toute une partie de la collection est consacrée à l’exotisme à travers l’inspiration de la littérature. Vous pouvez y retrouver des interprétations de succès pré-romanesques comme « Paul et Virginie » ou « Robinson Crusoé ». Des récits qui avaient suscité un élan d’exotisme vers le mythe du « bon sauvage » africain ou indien, vivant dans un paradis bucolique et encore loin d’être perverti par l’idée d’un suprématisme blanc.

Le temps d’apprendre que le penseur Jean-Jacques Rousseau était aussi à l’origine de cet exotisme sentimental, c’est Voltaire, son éternel rival, qui se présente à nous par l’intermédiaire d’un buste à son effigie. Et oui, l’illustre philosophe du siècle des Lumières trouve aussi sa place dans le musée. En effet, en plus d’avoir révolutionné la pensée politique de son temps, il a aussi trouvé le temps de fonder une manufacture de montres qu’il dirigea jusqu’à sa dernière heure.

 

Mais c’est une autre mort que François Duesberg redoute aujourd’hui. C’est celle de son musée, avec pour conséquence directe celle de son âme : « Le collectionneur est un grand malade, avec tout ce que cela implique d’excès . Ce que vous voyez ici, j’y ai consacré ma vie. C’est le fruit de beaucoup de passion, mais surtout de beaucoup de travail et de sacrifices ».

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« Le public, relativement au génie, est une horloge qui retarde »

Des sacrifices qui semblent bien ingratement payés au regard du peu d’intérêt porté par les habitants de Mons sur le musée. Au terme de la visite, nous ne pouvons nous empêcher de nous poser une question : Comment se fait-il que l’on entende si peu - pour ne pas dire pas du tout – parler du Musée Duesberg dans la région ? Cela paraît d’autant plus surprenant que celui-ci jouit d’une grosse popularité à l’étranger, lui qui attirait encore en moyenne 2.500 personnes par mois l’année dernière.

 

Malheureusement, les visiteurs ne sont plus la principale préoccupation de François Duesberg, pour qui le danger est bien plus immédiat. Fatigué et las, il se sent prêt à passer la main. Néanmoins, il ne parvient pas à avoir pleine confiance dans les autorités montoises pour pérenniser son patrimoine. Dommage, dira-t-on, d’autant plus que cette transition semblait en bonne voie il y a de cela un an. Le 29 novembre 2017, une convention était signée entre la ville de Mons et les époux Duesberg. Celle-ci garantissait au couple que ses collections seraient préservées intégralement dans le chef lieu hennuyer et qu’elles vivraient en coordination avec le service de la ville.

 

Mais depuis, les protagonistes de cette convention font machine arrière. Malgré l’accord signé, les barons Duesberg conservent la propriété de leurs collections jusqu’au décès du dernier conjoint. Ils gardent par conséquent le droit d’en faire ce qu’ils souhaitent. Et c’est là que les difficultés commencent. D’un côté, Mons souhaite absolument que l’entièreté de ce patrimoine reste sur son territoire mais ne semble pas prête à subsidier le musée. De l’autre, les barons, ne se sentant pas assez soutenu par la ville, avaient émis le souhait de faire des donations définitives à Bruxelles par l’intermédiaire d’un partenariat avec La Maison Patricienne.« Ce musée n’a jamais été un long fleuve tranquille, mais aujourd’hui je suis désespéré » nous lâche le mari, probablement encore dépité de voir son projet de passerelle avec la capitale avorter.

 

Aujourd’hui, François Duesberg brandit la menace d’une fermeture et de la dispersion des pièces du musée : « Dans les prochains mois, ma collection risque d’être démantelée et des objets partiraient à Paris, Bruxelles ou encore Saint-Petersbourg ». Il reste pourtant difficile de l’imaginer envoyer son héritage aussi loin de Mons, lui qui malgré ses nombreux avertissements, n’a jamais su se résoudre à quitter sa ville d’adoption.

 

Une solution serait que la ville participe plus à la promotion du musée au sein-même de la région. Car si l’adage veut que nul ne soit prophète en son pays, c’est bien par une mobilisation locale que l’âme du musée pourra perdurer dans le temps.

 

Quelqu’un se sent-il prêt à prendre la relève et à donner au musée la deuxième vie qu’il mérite ? La question mérite d’être posée et seul le futur nous le dira.

 "L’horlogerie est le seul domaine où la science est aussi proche de la beauté, alliage de qualité et d’esthétique. On retrouve ici les plus grands artistes de l’époque, des objets d’un raffinement fabuleux !"

               François Duesberg,

     Collectionneur passionné 

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Photos et article © Thomas Coenen 12/2018

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